Denis Dessus (CNOA) : « architecture et urbanisme, le monde d’après »
Denis Dessus, président du Conseil National de l’Ordre des Architectes (CNOA), livre son analyse et ses propositions sur la manière dont il serait important de repenser la ville et le logement. Une nouvelle contribution à la réflexion sur « le monde d’après ».
La crise sanitaire actuelle nous oblige à réfléchir à la qualité de vie de tous les concitoyens, à la conception de nos logements, à l’urbanisation de demain, ainsi qu’aux nouveaux équilibres socio-économiques dans nos régions, en particulier entre les métropoles et les autres territoires.
Le confinement a mis plus que jamais en évidence les inégalités des conditions de logement, notamment en métropole ; près de 5 millions de personnes en France vivent en situation de surpeuplement selon l’Insee. En cause, la taille (aggravée avec le télétravail qui s’est beaucoup développé), mais aussi la qualité de l’air, l’humidité, le bruit, autant de facteurs qui influent directement sur la santé des habitants.
Il est donc nécessaire, en construction neuve comme en rénovation, d’améliorer la valeur intrinsèque du logement et sa poly-fonctionnalité en faisant preuve de créativité dans leur conception (création, par exemple, de surfaces modulables selon les usages, avec portes coulissantes ou cloisons amovibles).
La crise a également montré l’importance des liens de voisinage. Aussi, pourquoi ne pas faciliter davantage les différentes formes d’autopromotion ou de coopératives d’habitants qui permettent une conception au plus proche de l’habitant et de favoriser la création d’espaces communs et mutualisés entre résidents ?
Outre le logement, l’immobilier tertiaire sera également, très probablement, bouleversé en raison du télétravail dont les entreprises ont pu constater l’efficacité, et cela aura des conséquences sur la taille et l’organisation des locaux.
A l’échelle urbaine, les inconvénients de la métropole sont devenus criants et les villes intermédiaires, petites et moyennes, deviennent porteuses d’un nouvel idéal grâce à un mix entre raccourcissement des déplacements domicile-logement et télétravail.
Mais pour ce faire, il faut qu’elles puissent offrir les services qui leur font aujourd’hui défaut : une offre de transports variée (réseaux ferrés rénovés et intensifiés, gares renouvelées, déplacements doux), une attractivité de leurs centres (commerces de proximité, offre culturelle), des lieux de partage d’activité et de coworking, une réinstallation de services publics souvent disparus et, bien sûr, une offre numérique suffisante, atout essentiel de leur dynamisation.
La reconquête des centres passe aussi par la rénovation et la diversification de l’offre de logement. Ces interventions peuvent être coûteuses. Il nous paraît donc nécessaire d’élargir les mécanismes des OPAH et « Denormandie dans l’ancien » à l’ensemble du territoire national en les conditionnant à l’atteinte de performances environnementales significatives.
Il faut également mettre fin au zoning des fonctions qui meurtrit ces villes : réparer les entrées de villes défigurées, réinvestir et densifier les zones commerciales obsolètes, rénover les lotissements et stopper le mitage du territoire. A ce titre, nous appelons l’Etat à adopter une approche « zéro artificialisation nette » en mettant en place des aides à la réalisation de diagnostics et d’études pluridisciplinaires pour assurer un renouvellement maîtrisé des délaissés urbains.
Enfin, pour soutenir une rénovation respectueuse des territoires et de leur diversité, il nous paraît essentiel de favoriser l’économie circulaire et les circuits courts, en valorisant notamment les filières de matériaux biosourcés et géosourcés locales et en les aidant à se structurer.
Source: IMMOWEEK 25 Mai 2020
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